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Georges Pompidou, Robert Poujade et les défis de l'environnement

Le "ministère de l'impossible"

Christine MANIGAND et Olivier SIBRE

Alors que les défis environnementaux sont devenus un enjeu majeur
de toute politique publique et des relations internationales, en 1971
Georges Pompidou créait le premier ministère de l’Environnement,
confié à Robert Poujade décédé le 8 avril 2020.
Pour célébrer ce cinquantième anniversaire et à la mémoire de l’ancien
ministre, l’Institut Georges Pompidou et le Comité d’histoire du ministère
de la Transition écologique et de la cohésion des territoires ont organisé un
colloque le 21 octobre 2021 à l’Académie d’Agriculture de France, mobilisant
historiens, juristes et personnalités engagées de la société civile.
Communications et débats évoquent la création d’un ministère d’inspiration
pompidolienne, les hommes et les équipes constituées pour enraciner une
administration dédiée, les transferts et les enjeux à l’échelle européenne
et mondiale, en ouvrant de nouvelles perspectives historiographiques qui
contribuent au débat public.
L’ouvrage dresse le tableau d’une époque effervescente, celle de tous les
possibles lorsqu’il fallait tout construire en matière d’environnement, tandis
que les politiques publiques dans ce domaine s’organisaient progressivement
en Europe et en Amérique du Nord.
Les auteurs décrivent l’énergie de jeunes équipes très engagées, les contradictions
mais aussi la clarté et le caractère prophétique du discours présidentiel (Chicago,
28 février 1970), ainsi que les tensions entre croissance et préservation de
l’environnement qui recoupent les enjeux de la puissance française que le chef
de l’État cherche à préserver absolument, alors que se dessine la transition
énergétique dans le contexte de la crise de 1973 justifiant pleinement le
lancement du premier grand plan nucléaire civil français.

Couverture du livre
Les publications scientifiques
21 octobre 2021

Robert Poujade est décédé le 8 avril 2020, quelques mois
avant le cinquantième anniversaire de la création du
ministère de l’Environnement à la tête duquel Georges
Pompidou l’avait nommé, le 7 janvier 1971.
Comme Georges Pompidou et plusieurs de ses
collaborateurs, Robert Poujade était normalien (1948) et
agrégé de lettres (1953). Il s’était engagé à 18 ans au sein du
RPF et dans les partis gaullistes successifs, comme secrétaire
général de l’UDR de 1968 à 1971, jusqu’au RPR quelques
décennies plus tard. Il siégea à l’Assemblée nationale entre
1967 à 2002, où il fut membre de la commission de la
Défense nationale et des forces armées (1986-2002). Il fut
maire de Dijon de 1968 à 2001, membre du conseil général
de la Côte-d’Or, qu’il présida de 1982 à 1988, et du conseil
régional de Bourgogne. Il fut enfin membre du Conseil
économique et social de 1964 à 1967, membre de la Ligue
urbaine et rurale et de la Ligue contre le bruit, puis président
du Haut comité de l’environnement créé en 1970 sous la
responsabilité de la DATAR.
Robert Poujade a laissé un entretien dans le programme
d’archives orales et est intervenu comme témoin lors de
plusieurs colloques édités de l’Institut Georges Pompidou
(Georges Pompidou, Vingt ans après, 1994 ; L’aménagement
du territoire (1958-1974), 1999 ; Georges Pompidou et Mai 68,
2009 ; L’élection présidentielle de 1969, 2016 ; présentation
de son Avec de Gaulle et Pompidou en 2011).
Le 16 novembre 2011, Robert Poujade avait participé à la
journée d'études organisée par le Comité d’histoire du
ministère de l’Écologie et par l'Association pour l'histoire de
la protection de la nature et de l'environnement (AHPNE).
Organisée à l’occasion du quarantième anniversaire du
ministère, cette manifestation avait rappelé le contexte
politique, sociétal, scientifique et militant des décennies qui
avaient précédé la création d'un ministère dédié. Michel
Woimant, ancien conseiller de Georges Pompidou pour
l’agriculture, avait alors témoigné de l’origine politique de la
décision de création, avec le rôle déterminant de Georges
Pompidou et de son choix de nommer Robert Poujade à la
tête de cette nouvelle administration, qui devait « servir de
poil à gratter pour toutes les administrations françaises ».
Qu'est-ce qui a pu influencer la décision de Georges
Pompidou ? On peut avancer plusieurs explications : une
expérience personnelle de la nature et du paysage depuis
son Cantal natal, une certaine idée de l’espace français et de
son aménagement, un contexte national et international
porteur (la loi sur l’eau de 1964, la conférence sur la
pollution de l’air du Conseil de l’Europe la même année, le
programme biologique international (1964-1974), la
conférence sur la biosphère à l’UNESCO en septembre
1968, les rapports du Club de Rome, Mai 68, etc.)
Dans son discours à Chicago, lors de son voyage officiel aux
États-Unis (28 février 1970), où existait déjà une Agence
américaine de l’environnement, Georges Pompidou
développait une vision systémique d’une civilisation en crise,
dominée par l’urbanisation, ce qui nécessite de « créer et de
répandre une sorte de « morale de l’environnement »
imposant aux États, aux collectivités, aux individus, le
respect de quelques règles élémentaires, faute desquelles le
monde deviendrait irrespirable ».
Georges Pompidou fut donc « le premier combattant de la
protection de l’environnement en créant, avant même que le
Club de Rome ne publie le fameux rapport Meadows, le
ministère de l’Environnement » comme le rappelait le
Président Emmanuel Macron en 2019, en préface de
l’ouvrage Dans l’intimité du pouvoir, la présidence de Georges
Pompidou.
Dans ces circonstances, Robert Poujade a eu une mission
considérable sous la présidence de Georges Pompidou. Il
importe ainsi de revenir sur la démarche de Georges
Pompidou, sur son inspiration, mais aussi d’étudier les
hommes qu’il avait choisi de nommer pour servir une
mission tout à fait nouvelle et transversale dans l’appareil
administratif français, après la création d’une direction
générale de la protection de la nature au sein du ministère de
l’Agriculture (16 juin 1970). À l’Élysée, Michel Jobert, qui fut
premier président de l’Office national des forêts, et Pierre
Juillet, passionné de chasse, soutenaient la démarche
présidentielle.
Le colloque tentera enfin de décrire et de cerner les premiers
résultats et la pérennisation de ce Ministère de l’impossible
(Robert Poujade, Paris, 1975) au-delà de Georges Pompidou,
dans un contexte international où la problématique
environnementale faisait son chemin, à travers, par exemple,
la conférence internationale de Stockholm en 1972, le
premier choc pétrolier à partir de 1973, la loi sur la
protection de la nature de 1976.
Il s'inscrit dans le cadre d'initiatives du Comité d'histoire
ministériel et de l'AHPNE qui visent à commémorer ce
cinquantenaire : une mise en ligne d'un demi-siècle de
politiques publiques de l'environnement jusqu'à la
transition écologique sur le site Internet du ministère depuis
le 23 janvier 2021, une journée consacrée aux 100
propositions concertées sur l'environnement de 1970, le
9 juin 2021, la mise en ligne d'une fresque numérique de 50
ans de questions environnementales sur les sites de l'AHPNE
et d'AgroParisTech à partir de septembre 2021.

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